Revue de gestion du personnel médical et hospitalier des établissements de santé

EDITORIAL

Les résultats en demi-teinte de l’encadrement de l’intérim médical

 

Clémence ZACHARIE

Maître de conférences associée, IAE Paris Est, Cersa UMR 7106

Parmi les innombrables effets, pour certains encore ignorés, de l'inaboutissement du PLFSS pour 2025, l'élargissement de l'encadrement de l'intérim aux professions paramédicales constitue un dommage collatéral. En effet, le projet prévoyait d'étendre aux acteurs paramédicaux, infirmières et aides-soignantes, le principe du plafonnement de la rémunération de l'intérim. Il s'agissait d'étendre le cadre imposé aux médecins intérimaires. Depuis le 1er avril 2023, les médecins travaillant dans le cadre d'un contrat d'intérim au sein d'établissements de santé ne peuvent percevoir une rémunération supérieure à 1410,69 € pour un temps de garde de 24 heures. Cette harmonisation interroge ; l'expérience médicale n'est pas concluante et le pouvoir réglementaire a dû intervenir afin d'ajuster les conditions de mise en oeuvre de cette régulation. La rémunération a en elle-même été revue, les montants initiaux ne tenant pas nécessairement compte des frais de la société d'intérim, au point de rendre difficilement lisible la réalité des coûts engendrés. Le Conseil d'État a rendu une décision le 28 novembre 2024, imposant au gouvernement de prendre quelques ajustements en la matière. L'arrêt ne révolutionne pas tout, mais illustre une certaine forme d'approximation dans l'élaboration de ce projet. Deux remarques s'imposent ; d'abord, la lutte contre ce qui a été souvent défini comme du « mercenariat médical » s'est concentrée sur le cas particulier de l'intérim, alors que celui-ci n'est pas le seul type de contrat engendrant un accroissement des charges. Ainsi à côté des intérimaires, les médecins contractuels ont vu leur nombre augmenter de plus de 61 % entre 2017 et 2022, et avec eux la possibilité de négocier revenu et temps de travail, au point de fragiliser le statut de praticien hospitalier. Si l'objectif de l'encadrement était financier, il aurait dû dépasser l'intérim. C'est notamment ce que la Cour des comptes a constaté dans un rapport publié le 23 juillet 2025. Mais, et c'est la seconde remarque, on peut douter de l'efficacité d'un dispositif qui n'a pas été pensé. En effet, l'encadrement de l'intérim médical poursuit avant toute chose l'objectif de sécurité de la prise en charge des patients à travers une stabilisation et une sécurisation des équipes. En application de l'article L. 6115-1 du CSP, un décret fixe à deux ans la durée minimum d'exercice professionnel préalable à la signature d'un contrat d'intérim. Pour les infirmiers, les coûts sont exclusivement visés, sans que les causes réelles du désamour pour le métier, les conditions de travail et le désir de travailler dans des équipes ne soient traitées. Or, de ces aspirations, il n'en est pas plus question dans le PLFSS avorté qu'il fut en 2023. Pourtant, la stabilisation des personnels passera nécessairement par une revalorisation économique et financière, une amélioration des conditions de travail et une réflexion sur la conciliation de la vie privée et de la vie personnelle, mais aussi la gestion élargie à l'échelon du territoire des ressources humaines afin de permettre collaboration et mobilité. La perte que constitue l'absence de vote de ce projet n'est donc probablement que très relative.

 
Au sommaireN°179
Février 2025

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