Revue de gestion du personnel médical et hospitalier des établissements de santé

EDITO

La psychiatrie au coeur des débats de santé publique ?

 

Hélène de FAVERGES

Directrice d'hôpital

L'acutisation des flux psychiatriques, l'émergence des besoins de soins, mais aussi les difficultés rencontrées par le secteur, font de la santé mentale un sujet crucial de ces derniers mois. Dans ce contexte, la FHF a procédé à une enquête état des lieux et a réuni un groupe de travail dont les travaux ont abouti à la rédaction du rapport Répondre à l'urgence et bâtir l'avenir de la psychiatrie.

Les questions managériales et de ressources humaines sont primordiales dans cette réflexion, puisque les postes vacants, la désaffection pour les carrières et une démographie professionnelle en berne pénalisent le secteur. La dernière partie s'intitule « Développer l'attractivité des métiers de la psychiatrie, et reconnaître les professionnels qui les exercent ». Malgré une bonne prise en compte sociétale des besoins émergents, les troubles mentaux restent stigmatisés et les personnes concernées suspectées d'être dangereuses et finalement impossibles à guérir. La discipline est donc insuffisamment choisie ; 30% des postes de PH TP sont vacants, 50% des postes à temps partiel, et la désaffection infirmière conduit à des fermetures de lits massives. Mais cette situation génère des conditions de travail jugées particulièrement difficiles et induit une urgence à réformer l'image de la psychiatrie.

Le premier levier consiste à améliorer l'image de la discipline via une communication énergique, notamment à destination des étudiants. Telle était la finalité de la campagne #ChoisirPsychiatrie, mais on peut s'interroger sur une vision compassionnelle plus que scientifique de la psychiatrique. Le rapport propose d'anticiper ces campagnes dès le lycée en promouvant les carrières médicales et infirmières en psychiatrie. Ensuite, les auteurs recommandent une politique de stage obligatoire durant l'IFSI, les masters de psychologie et l'externat puis une meilleure ventilation des postes d'internes sur le territoire de manière à favoriser l'implantation des médecins dans les zones sous-denses. Cette mesure semble tout de même paradoxale : on peut supposer qu'en positionnant les stages dans les zones désertées, les stages seront moins bien encadrés, donc moins choisis.

Dans la suite de la carrière, le rapport promeut la recherche comme un levier d'attractivité : renforcement des postes hospitalo-universitaires à vocation territoriale, et développement des postes de praticiens partagés. Pourtant, l'attrait pour la carrière universitaire est en berne et les postes partagés, largement financés par les tutelles, ne trouvent pas preneurs car trop contraignants. Le rapport réinterroge le recours facilité aux médecins étrangers et évoque le dépannage des établissements en difficulté. Ces deux mesures ne sont pas inintéressantes : très pragmatiques, elles ébauchent des solutions qui pourraient être facilitées par des mesures réglementaires simples, comme une autorisation d'exercice ou la création d'une prime.
Concernant les médecins étrangers, se pose tout de même la question de leur formation et d'un biais linguistique et culturel qui pourrait compromettre le rapport au patient atteint de troubles mentaux.

Augmenter le nombre de places en IFSI est un moyen mécanique de renforcer le nombre de candidats formés, mais il interroge sur la qualité de la sélection, puis de l'encadrement en stage. Du reste, compte tenu des postes vacants dans toutes les spécialités, il n'est pas évident que cette mesure servirait la psychiatrie. Le recours aux IPA est privilégié, tout en préconisant une nécessaire revalorisation salariale.

Ces mesures salariales (primes pour les médecins, revalorisation des grilles d'IPA, embauche des psychologues avec reprise d'ancienneté, titularisation des psychologues, prime d'exercice difficile) sont nécessaires, mais à ce jour se pose le problème de leur financement et celui des effets de bord qu'elles pourraient susciter en asséchant d'autres spécialités difficiles au profit de la psychiatrie.

La dimension managériale des soignants est largement abordée par le biais de la charge en soins et de la pénibilité. Cet abord est tentant mais fragile : la plupart des études destinées à les qualifier se sont heurtées à leur dimension très subjective. En psychiatrie, qu'est-ce qu'un patient lourd ? Il peut s'agir d'un patient sous contrainte, pour lequel les procédures administratives et soignantes sont renforcées, d'un patient dont la confusion compromet l'autonomie, d'un patient très agité, voire d'un patient catatonique qui doit être assisté dans les gestes les plus simples. Les tentatives de PMSI psychiatrique y ont vu leur limite. Dans ce contexte, l'approche par les conditions de travail est plus aisée : la durée journalière de travail est pointée, mais c'est un sujet clivant entre les professionnels. Le virage ambulatoire pourrait produire des organisations plus soutenables.

L'abord par la typologie d'accueil est aujourd'hui central dans les réflexions : le rapport évoque les UHSA ou les UMD, et la réflexion porte sur des unités renforcées destinées à recevoir des patients mobilisant davantage de ressources humaines. Les projets d'Unités de Soins Intensifs en Psychiatrie semblent moins valorisés : reposant sur l'idée de soins renforcés en début de séjour ou lors d'une crise, ils impliquent la possibilité de recourir à la contrainte, et interrogent le respect des droits fondamentaux du patient.

Matériellement, un grand plan d'investissement national destiné à mettre aux normes les unités d'hospitalisation pourrait contribuer à améliorer le cadre de travail mais posera aussi la question des ressources nécessaires au soutien de l'investissement hospitalier. Enfin, l'allègement des tâches administratives, l'organisation de l'équipe pluriprofessionnelle sous l'autorité du médecin (qui interrogera particulièrement le positionnement des psychologues), le management participatif, sont autant de voeux qui risquent de se heurter aux corporatismes et aux usages ancestraux.

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