Contrats de professionnalisation : une coupe budgétaire qui inquiète le secteur de la santé
Luc LE PROVOST
Directeur du Département CNAM/ICR
Institut Catholique de Rennes
Le 1er juillet 2025 marquera un tournant discret, mais lourd de conséquences, pour les secteurs en tension. Le gouvernement mettra fin aux aides exceptionnelles de 6 000 euros versées aux employeurs qui recrutaient un alternant en contrat de professionnalisation. Ces aides, instaurées pendant la crise sanitaire pour encourager l'embauche et la formation, avaient permis à de nombreux établissements de santé de renforcer leurs équipes tout en formant des jeunes sur le terrain.
Cette décision s'inscrit dans une réforme plus large du financement de l'apprentissage. L'objectif annoncé est de rendre le système "plus soutenable", en adaptant les niveaux de prise en charge aux coûts réels des formations. Mais derrière la logique budgétaire, le risque est réel : celui d'un effondrement silencieux d'un levier de recrutement essentiel pour les métiers de la santé.
Depuis plusieurs années, hôpitaux, cliniques et EHPAD recourent aux contrats de professionnalisation pour faire face à la pénurie de personnel qualifié. Ces dispositifs permettent de former des aides-soignants, agents de service hospitalier ou secrétaires médicaux directement en situation, tout en assurant un accompagnement progressif vers l'emploi durable. Sans soutien financier, de nombreux établissements ne pourront plus assumer ces coûts. Résultat : moins d'alternants recrutés, et davantage de tensions dans des services déjà fragiles.
Dans le secteur médico-social, l'inquiétude est palpable. Plusieurs fédérations d'employeurs alertent sur une perte d'attractivité des métiers et redoutent une baisse de la qualité d'accompagnement des patients et résidents. Le gouvernement affirme vouloir recentrer les financements sur les niveaux de qualification les plus recherchés, mais sans mesures spécifiques pour les professions sanitaires et sociales, le risque d'un décrochage s'accentue.
Former aujourd'hui, c'est pouvoir soigner demain. La suppression des aides aux contrats de professionnalisation peut paraître secondaire dans un tableau budgétaire global. Mais pour le système de santé, elle représente un affaiblissement stratégique. La santé ne peut se permettre des économies de court terme sur le capital humain. Il en va de la qualité des soins, mais aussi de notre capacité collective à répondre aux défis démographiques et sociaux des années à venir.