La formation d’un gouvernement au point mort, la politique de santé attendra !
Jérôme LARTIGAU
Maître de conférences en sciences de gestion - CNAM
À l'heure où nous écrivons ces lignes, la France se trouve confrontée à une grave crise constitutionnelle, avec trois blocs antagonistes, plus ou moins du même poids politique au sein de l'Assemblée nationale, et peu désireux a priori de former une coalition gouvernementale qui permettrait de constituer un gouvernement.
Si techniquement la formation d'une telle coalition est possible, le contexte politique marqué par une radicalisation évidente des discours et des postures rend toutefois très improbable cet événement. La vie politique française offrant toutefois son lot d'imprévus et de rebondissements depuis quelques années et surtout dans la période actuelle, il n'est pas interdit de penser que malgré tout, la formation d'un gouvernement soit possible.
Pendant ce temps, les acteurs du monde de la santé assistent médusés au désordre qui règne dans l'univers politique et voient les programmes et projets pourtant vitaux relégués à des jours meilleurs. Tandis que les défis auxquels sont confrontés les établissements de santé sont toujours bien présents et ne font que s'amplifier : crise de sens, crise du recrutement et pénuries de personnel, dégradation de la situation financière, vieillissement de la population et augmentation des besoins qui l'accompagne.
Par ailleurs, le système de santé doit affronter une instabilité institutionnelle permanente : pas moins de cinq ministres de la santé se sont succédé en l'espace de deux ans, soit une durée de vie moyenne de dix mois au gouvernement. Dans un domaine marqué par la complexité, où les décisions nécessitent une analyse approfondie, des arbitrages délicats et produisent leurs effets à très long terme[1], ce taux de rotation est catastrophique : aucun projet ne peut avancer et plus grave encore, le lien de confiance entre les acteurs de terrain et les responsables politiques ne peut qu'être rompu.
Il est grand temps de retrouver le souffle réformateur et l'ambition nécessaires à la modernisation et à la préservation de notre modèle de santé. Rêvons un peu et imaginons un accord de gouvernement sur des points essentiels tels que la défense, l'éducation et bien sûr la santé. Hélas, le contexte que nous connaissons est plus favorable aux logiques d'appareil et aux petites phrases... Or comme le disait Charles Nodier, « quand la politique est devenue une science des mots, tout est perdu ».
Notes :
[1] L'exemple le plus emblématique de cet effet temps long est celui du numerus clausus médical, mis en place en 1971 et responsable de la situation dramatique de pénurie de médecins depuis plusieurs années.